Contentieux électoraux en matière sportive : À vos marques, prêts, votez !

Après une parenthèse enchantée de deux mois au cours de laquelle le sport fut mis à l’honneur en France
et à travers le monde, les fédérations sportives françaises procèdent aux élections en vue de renouveler
leurs organes de direction et d’administration depuis le mois d’octobre.
En tête de liste, la Fédération française d’escrime (FFE) a élu son nouveau président le 11 octobre 2024 –
Remy Delhomme – et sera suivie par une soixantaine de fédérations dont les élections se dérouleront
jusqu’à̀ la fin de l’année.


Ces campagnes électorales s’inscrivent dans un contexte secoué par de nombreuses affaires relatives à̀
des accusations de faits de harcèlement moral et sexuel ou de corruption, poussant ainsi les fédérations
sportives à adopter plus de transparence lors des élections de leurs organes dirigeants.


En outre, un rapport publié le 23 janvier 2024 par la commission d’enquête sur les dysfonctionnements
des fédérations sportives soulignait déjà la fragilisation du milieu sportif en France, au sein de ses
fédérations.


Au milieu de tous ces enjeux auxquels devront faire face les disciplines sportives lors de la désignation de
leurs organes fédéraux, la législation en vigueur ainsi que la jurisprudence posent des lignes directrices à
respecter tout au long des élections.

I – ÉLECTIONS EN MATIÈRE SPORTIVE : LA LÉGISLATION EN VIGUEUR

1– Les principes fondamentaux : démocratie et transparence


Afin d’assurer des élections démocratiques et transparentes, les fédérations agréées doivent respecter
un certain nombre de conditions posées par les articles L. 131-5 à L. 131-9 du Code du sport.
Dans la mesure où une fédération sportive est susceptible d’être constituée de divers organismes1, ces
derniers doivent être représentés au sein des instances dirigeantes proportionnellement au nombre de
leurs adhérents2.

2– Obligation de parité et limitation des mandats présidentiels

À cette condition de représentativité proportionnelle des organismes fédéraux, la loi du 2 mars 2022
visant à̀ démocratiser le sport en France est venue ajouter une obligation concernant le respect de la
parité́ des sexes au sein des organes de la fédération3.

  • Dans les instances dirigeantes de la fédération, l’écart entre le nombre d’hommes et de femmes
    ne peut dépasser un.
  • La même règle s’applique aux instances régionales.
    Le même article4 limite le nombre de mandats présidentiels à trois mandats de plein exercice.

3– Recommandations éthiques du CNOSF

En parallèle de ces dispositions légales, le rapport en date du 17 octobre 20245 publié par le Comité́
national olympique et sportif français (CNOSF) dresse une liste de recommandations éthiques ayant
vocation à̀ orienter au mieux les périodes préélectorales et électorales au sein des fédérations sportives :

  • Les candidats et leurs soutiens doivent adopter un comportement digne et mesuré ;
  • Les dirigeants qui souhaitent émettre une opinion en tant que candidat ou soutien de candidat,
    doivent s’assurer de le faire en dehors des réunions, séances, évènements, comités, etc., de
    l’organe fédéral au sein duquel ils siègent ;
  • Les dirigeants ne peuvent pas utiliser les ressources financières fédérales et les moyens fédéraux
    de communication pour favoriser une candidature ;
  • Les candidats et leurs soutiens ne peuvent offrir de cadeaux, ni accorder d’avantages au collège
    électoral ;
  • Les candidats doivent s’abstenir les jours du scrutin de toute initiative, acte ou déclaration de
    nature à̀ influencer les électeurs ;
  • Le Comité d’éthique fédéral veille au respect des principes éthiques et déontologiques pendant le
    déroulement de la campagne et des élections, ainsi qu’à l’équité dans le traitement des différents
    candidats.

4– Dispositions statutaires spécifiques des fédérations

En marge de ce que dispose la loi, la fédération sportive a la possibilité́ de compléter ces mesures par des
dispositions spécifiques prévues par ses statuts, répondant aux besoins propres à la discipline, dès lors
que celles-ci ne revêtent pas un caractère limitatif.
Ainsi, la Fédération française de karaté́ n’a pas abusé de ses pouvoirs en disposant dans ses statuts que
seuls pouvaient être élus au comité́ directeur des amateurs licenciés depuis au moins six mois et titulaires
de la ceinture noire6 .

II – LES MODALITES DE RÈGLEMENT DES CONTENTIEUX ÉLECTORAUX EN MATIÈRE SPORTIVE

1– La juridiction compétente en cas de contentieux électoraux en matière sportive


1.1 – Privilégier les modes de règlement amiable


La convergence du droit vers des modes de règlement amiable des différends impose aux acteurs de saisir
des conciliateurs du CNOSF au préalable de toute procédure judiciaire. Ces derniers rendent un avis
dépourvu de force obligatoire.


Cela étant, il convient de s’interroger sur la juridiction compétente en cas de contentieux électoraux au
sein des fédérations sportives.


1.2 – Compétence juridictionnelle : juge judiciaire ou administratif ?


En effet, en octroyant un agrément aux fédérations sportives, le ministre chargé des sports délègue à
celles-ci des prérogatives de puissance publique. De cette façon, les fédérations sportives délégataires
seront habilitées à organiser des tournois dans la discipline concernée et à prendre des sanctions
disciplinaires à l’encontre d’un licencié, le cas échéant.

La mission de service public dont sont chargées les fédérations sportives pose alors implicitement la
question du choix entre le juge judiciaire et le juge administratif en cas de règlement des différends.

1.2.1 – Compétence du juge judicaire pour les questions internes


En réalité, cette question ne pose plus de difficulté réelle, le Tribunal des Conflits ayant jugé que les
opérations relatives à l’élection des membres des conseils d’administration des fédérations sportives
relevaient uniquement du juge judiciaire dans la mesure où il était uniquement question d’organisation
interne de la fédération, laquelle est une association de droit privé7.


Dans les deux années qui suivirent cette décision de principe, le Conseil d’État eut l’occasion de confirmer
ce jugement à deux reprises8.


Plus récemment, la Cour administrative d’appel de Versailles rappela de nouveau la compétence du juge
judiciaire en matière de litiges électoraux, par un arrêt du 18 juillet 2024.


En l’espèce, l’appelante avait fait l’objet de sanctions disciplinaires de la part de la Fédération française
d’équitation, prononçant notamment une inéligibilité aux instances de direction et organes déconcentrés
pour une durée de sept ans.


Le 22 août 2022, le Tribunal administratif d’Orléans a rendu une ordonnance par laquelle la 4ème
chambre de la juridiction releva son incompétence.


La Cour administrative d’appel de Versailles confirma l’ordonnance rendue en première instance,
rappelant que les contentieux électoraux en matière sportive ne visent que des questions d’organisation
interne des fédérations sportives et, par conséquent, relèvent de la compétence du juge judiciaire9.

1.2.2 – Incompétence du juge administratif pour les litiges électoraux internes


C’est dans le même sens qu’a statué la Cour administrative d’appel de Paris le 11 décembre 2023, pour
des faits similaires.


En d’autres termes, la juridiction administrative est incompétente pour connaître d’une demande tendant
à̀ l’annulation d’opérations électorales qui se sont déroulées au sein d’une fédération sportive, dès lors
que ce litige concerne le fonctionnement interne d’une association de droit privé.


De même, la compétence juridictionnelle est judiciaire en ce qui concerne les décisions de la commission
de surveillance des opérations électorales d’une fédération sportive relatives à la recevabilité des
candidatures, le contentieux d’élections étrangères à la mise en œuvre des prérogatives de puissance
publique au sein d’une association sportive, personne morale de droit privé, ressortissant du
fonctionnement interne de celle-ci10.

2– Les différents cas de survenance de contentieux électoraux

2.1 – En période pré-électorale


Les contentieux électoraux peuvent survenir pour diverses raisons, tant en période pré-électorale qu’au
cours de la campagne électorale elle-même.
De façon impérative, les élections au sein de fédérations sportives doivent être précédées d’appel à
candidature, faute de quoi cela constituerait un manquement à l’exigence d’élections transparentes et
démocratiques.

Le décret n° 2004-22 du 7 janvier 200411 impose aux fédérations sportives de prévoir dans leurs statuts
types certaines incompatibilités avec le mandat de membre au sein des comités de direction et
d’administration :

Les personnes de nationalité française condamnées à une peine qui fait obstacle à leur inscription
sur les listes électorales ;

Les personnes de nationalité étrangère condamnées à une peine qui, lorsqu’elle est prononcée
contre un citoyen français, fait obstacle à son inscription sur les listes électorales ;

Les personnes à̀ rencontre desquelles a été prononcée une sanction d’inéligibilité à temps,
notamment pour manquement grave aux règles techniques du jeu constituant une infraction à
l’esprit sportif.

2.2 – En période électorale


Une des causes de contentieux électoraux est celle de la contestation de la recevabilité des candidatures
ou listes déposées.


En la matière, il ressort d’une ordonnance du tribunal de grande instance de Paris12 qu’il convient de se
placer à la date limite de dépôt des candidatures pour apprécier la validité des décisions portant sur la
recevabilité́ d’une liste déposée.

Article écrit en collaboration avec Naji Masri et la Junior Legal Assistance

  1. Article L. 131-3 du Code du sport. ↩︎
  2. Article L. 131-5, points 1° et 2°, du Code du sport. ↩︎
  3. Article L. 131-8, II, points 1° et 2°, du Code du sport. ↩︎
  4. Article L. 131-8, II. ter, du Code du sport. ↩︎
  5. Rapport du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), 17
    octobre 2024.
    ↩︎
  6. CE, 14 février 2001, « Association de défense des intérêts du sport », Lebon
    T. 1205.
    ↩︎
  7. Tribunal des Conflits, 13 février 1984, n°02314, publié au recueil Lebon. ↩︎
  8. CE, 29 mai 1985, Decherchi, no 66016 : Lebon T. 784 ; https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000007714576CE, 23 mai 1986, Noulard, no 58445 : Lebon T. 733. ↩︎
  9. CAA Versailles, 18 juin 2024, n° 22VE02244. ↩︎
  10. TA Caen, réf., 10 juin 2016, no 1601162. ↩︎
  11. Décret n° 2004-22 du 7 janvier 2004. ↩︎
  12. TGI Paris, 3 septembre 2008, Sapin et a. c/ Fédération française de volley-
    ball, no 08/01153. ↩︎

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