Les Jeux Olympiques, grand-messe du sport mondial, n’est pas épargné de litiges. En effet, des erreurs d’arbitrage, des qualifications contestées et des cas de dopage peuvent surgir comme dans tout événement sportif d’ampleur, en particulier lorsqu’il revêt des enjeux considérables aussi bien sportifs qu’économiques.
C’est pourquoi l’événement est placé sous l’autorité du Tribunal Arbitral du sport, Autorité Internationale suprême en matière sportive, dont la mission est d’assurer l’application régulière et uniforme des règles sportives en dernier recours. Depuis 1996 et Jeux Olympiques d’Atlanta, cette institution dont le siège social est à Lausanne en Suisse dépêche sur place des délégations de spécialistes de ses rangs pour constituer des Chambres Ad Hoc sur les lieux des plus grands événements sportifs internationaux comme les Coupes du Monde de football ou les Jeux Olympiques afin de remplir sa mission avec acuité et célérité.
A l’occasion des Jeux Olympiques 2024 de Paris, revenons sur quelques décisions marquantes des précédentes Olympiades de Tokyo s’impose :
1) CAS OG 20/10 NOC Belgium v. World athletic
Dans cette première affaire, la Chambre Ad Hoc du Tribunal Arbitral du Sport, devait déterminer si la décision arbitrale de disqualification de l’équipe des Etats-Unis d’Amérique lors de l’épreuve de 4x400m des Jeux Olympiques de Tokyo était justifiée.
En l’espèce, l’équipe des Etats-Unis et celle de la République Dominicaine ont été disqualifiées lors de la première course de l’épreuve pour un passage de relais intervenu hors des limites réglementaires.
Les arbitres sur place avaient ainsi naturellement retenu la nécessité de disqualifier les deux équipes. Or après un appel devant la World Athletics (fédération internationale d’athlétisme) les deux équipes ont été réintégrées et ont pu concourir lors de la finale.
Estimant la réintégration injustifiée, le Comité Olympique National de Belgique a déposé une requête devant la Chambre Ad Hoc pour obtenir l’annulation de la décision litigieuse, demande qui sera par la suite soutenue également par le Comité Néerlandais.
Cette demande d’annulation de la décision de réintégration, et donc de confirmation des disqualifications a finalement été rejetée par le Tribunal. Ce dernier a jugé qu’aucun grief d’arbitraire, ou de déloyauté ne pouvait être avancé à l’encontre de la décision de la World Athletics.
De plus la décision étant intervenue le 2 août 2021, postérieurement à la finale déroulée le 31 juillet, ainsi que la remise des médailles où la République Dominicaine et les Etats-Unis sont respectivement arrivés second et troisième, il n’y avait pas lieu d’annuler la décision, ce qui aurait eu de graves répercussions et serait intervenu à contre temps de l’événement.
2) CAS OG 20/15 Yuberjen Martínez & Colombian Olympic Committee & Colombian Boxing Federation v. IOC Boxing Task Force
Ici le litige porté devant la Chambre Ad Hoc du Tribunal Arbitral du Sport consiste en la contestation d’une décision d’arbitrage lors d’un match de boxe. Le requérant, boxeur colombien combattant en catégorie poids plumes faisait face à un combattant japonais. Comme aucun des deux n’a remporté le combat sur KO, les arbitres les ont départagés aux points, déclarant le second vainqueur malgré un score serré.
Le boxeur Colombien s’opposant au résultat a fait appel de la décision d’arbitrage, et a porté la décision confirmative devant le TAS.
Il avance devant la Chambre Ad Hoc des Jeux Olympique de Tokyo que l’attribution des points serait insincère et injustifiée par la réalité du combat. Il soutient qu’il serait incontestable même pour un œil non averti de constater sa supériorité technique et sa domination sur son adversaire pendant la rencontre.
Pour autant, la Chambre a pris la décision de rejeter sa requête au motif qu’aucun manquement dans l’application des règles par les arbitres n’avait été constaté. En effet, la mission de la Chambre n’est pas ici de réévaluer les qualités sportives des compétiteurs, les arbitres n’étant eux-mêmes pas experts dans chaque discipline sportive. Leur véritable mission est de s’assurer de l’application sérieuse et rigoureuse de toutes les règles en présence au moment de la rencontre. En l’espèce l’absence de moyens sérieux permettant de remettre en cause l’insincérité de la décision prise, il n’y avait d’autre solution que d’écarter la requête de M. Martinez.
3) Arbitrage Chambre Ad Hoc du TAS (JO Tokyo) 20/014 Mourad Aliev & Fédération Française de Boxe (FFB) & Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF) c. IOC Boxing Task Force & Frazer Clarke & British Olympic Association (BOA)
Ce litige concerne une nouvelle fois une épreuve de boxe et en particulier un affrontement entre le Français Mourad Aliev et le Britannique Frazer Clarke.
A l’occasion des quarts de finale pour la catégorie des poids lourds, Mourad Aliev avait emporté le premier round puis a été disqualifié lors du second. Après avoir fendu l’arcade sourcilière de son adversaire, Mourad Aliev a reçu un avertissement de la part de l’arbitre qui décidera finalement de le disqualifier et de prononcer la victoire du Britannique.
S’opposant à sa disqualification, Mourad Aliev a dans un premier temps contesté la sanction devant le groupe de travail chargé de la boxe du comité international olympique (CIO Boxing Task Force). Or celui-ci a refusé d’accéder à sa demande et a maintenu la décision en avançant que la règle 20 de l’AIBA ne prévoyait pas la révision des résultats par visionnage pour les événements Olympiques. Il a donc formulé une requête devant le Tribunal Arbitral du Sport contre cette décision.
Le requérant avance que l’arbitre a commis une erreur dans l’application des règles de l’AIBA alors que celles-ci seraient strictement impératives et exemptes de toute liberté d’appréciation de sa part. Il demande en conséquence que soit prononcé l’annulation de la décision litigieuse et que soit repris le combat au début du deuxième round devant un nouvel arbitre et un jury autrement constitué.
La décision de la Formation Ad Hoc précise que conformément à l’article 16 du Règlement Ad Hoc du TAS, la Formation a le pouvoir de “revoir les faits fondant la demande avec plein pouvoir d’examen”.
Dans le contexte particulier du présent litige, il convient de souligner la jurisprudence du TAS en la matière :
“In casu, la décision de l’arbitre, confirmée par l’AIBA, est une décision purement technique, ressortissant de la réglementation incombant à la fédération concernée. L’application de cette réglementation ne saurait être revue par la Formation Ad Hoc. Cette retenue s’impose d’autant plus que, loin du déroulement de l’action, la Formation Ad Hoc est moins bien placée pour décider que l’arbitre de terrain ou les juges de ring; la retenue susmentionnée doit se limiter aux décisions ou normes techniques; elle ne s’applique pas lorsque de telles décisions sont prises en violation de la loi, des réglementations sociales ou des principes généraux du droit (BADDELEY, op. cit., p. 378), ce qui n’est pas le cas en l’espèce” (TAS JO 96/006, no. 13; souligné par la Formation arbitrale).
Elle affirme par la même que la Formation s’abstiendra de revoir toute décision d’ordre technique, partant du postulat que “le jeu ne doit pas être constamment interrompu par des recours au juge” (ATF 118 II 12/19).
Ainsi constatant qu’aucune violation de la loi n’est alléguée et que le TAS n’est pas compétent pour juger de l’erreur d’appréciation de l’arbitre qui demeure le mieux placé pour remplir son office, la formation prend la décision de rejeter le recours du boxeur et de sa fédération. La décision prend néanmoins la peine de souligner l’existence, même en l’absence d’éléments suffisants à le prouver, de doutes sérieux quant à l’application objective, sincère et loyale de la règle. Suite à ce constat, elle rappelle à l’IOC BTF l’importance de sa mission d’encadrement et de contrôle de ses agents afin que de tels doutes ne puissent pas avoir leur place dans des événement d’une telle importance.
En somme, si le TAS assure une mission essentielle de contrôle et de sanction des abus et dérives d’arbitrage, son examen, qui comme en témoigne les quelques cas présentés précédemment déroulés au cours des derniers Jeux Olympiques à Tokyo, porte sur des domaines très variés et reste strictement cantonné aux limites du droit. Son appréciation porte sur la bonne application de la règle. Il n’entend jamais se subroger aux arbitres qui gardent la liberté d’apprécier les faits auxquels ils assistent.
Ainsi, peu nombreuses sont les requêtes en annulation d’une décision d’arbitrage qui soient accueillies sans réserve. Le Tribunal Arbitral du Sport doit concilier sa mission d’application du droit avec le respect du temps sportif et de la compétition. C’est pourquoi afin de maximiser ses chances de succès devant ce dernier il est essentiel de faire appel à un avocat connaisseur de la question sportive et rompu aux litiges d’arbitrage.
Article écrit en collaboration avec Paul SOLLIER et la Junior Legal Assistance